Le Raz de Sein
Nous sommes dans le petit port de Audierne à 10 milles du raz de Sein. Parti de Concarneau à 11h, le pilote automatique a louvoyé autour de la pointe de Penmarc’h avec une baisse de vent en début d’après-midi. Le moteur a été mis à contribution pour couvrir les derniers milles et arriver à 20h30 à destination.
Nous avons eu la chance de trouver encore la porte ouverte à la crêperie An Dol Breizh qui sert ses spécialités bretonnes en version gastronomique. Le chef a été primé meilleur crêpier de la Bretagne. Nous n’avons pas été déçus en commandant les titres Goyen, Noroit, Breizh et Hermine flambée, avec une bouteille de cidre artisanal demi-sec. Les galettes sont fines et croustillantes. Les garnitures sont travaillées et bien présentées pour donner un excellent résultat en bouche.
C’est la première fois que nous allons passer le raz de Sein avec notre bateau. Réputé pour ses courants puissants, il faut l’aborder après avoir bien compris les heures de passage. Sur le Bloc marine, les grosses flèches des graphiques de courant heure par heure montrent que le passage du sud vers le nord est possible pendant la marée montante et le passage du nord vers le sud pendant la marée descendante.
Les prévisions météo affichent un vent de 10 nœuds du sud ouest. Nous avons donc les conditions idéales pour franchir dans le sens sud nord. La basse mer étant à 16h08, nous avons la matinée libre pour vérifier tous les paramètres et pour visiter la ville.
Pour le retour, cela s’annonce plus compliqué. Demain mercredi, les paramètres conviennent aussi. Mais jeudi, le vent vient du sud et vendredi il est trop fort avec plus de 40 nœuds pour se promener sur l’eau. Le projet est donc de redescendre le raz de Sein dès mercredi matin et de tracer vers l’Est et trouver un bel endroit comme Port Louis pour se mettre à l’abri la journée de Vendredi.
Le raz de Sein
Nous avons largué les amarres à midi à Audierne et avons descendu prudemment le chenal interdit à marée basse à notre bateau qui affiche un tirant d’eau de 1m90. Un vieux gréement nous précède avec des marins d’un jour qui vont aussi voir le raz de Sein de près.
Sorti de la rivière, notre First 31.7 retrouve toute sa fougue et part très vite dans la direction de la pointe du Raz. Les paysages défilent avec une côte rase et creusée à sa base. Des grottes qui doivent cacher des légendes bigoudènes assurément. Des fous volent en rond et plongent brusquement dans l’eau sans doute pour piquer sur une proie. Puis ils se posent sur l’eau et se laisse ballotter dans les vagues.
En se rapprochant de la pointe, le flot devient plus irrégulier et le bateau entame une danse saccadée qui ne fait pas peur à notre voilier. La coque des autres voiliers à coté de nous, disparaît parfois derrière les vagues. Des remous et des tourbillons animent la surface tourmentée de l’eau bleue foncée. Les flots se fracassent sur les rochers de la pointe de Raz et explosent comme des feux d’artifice blancs. Une tourelle marque l’extrémité des rochers du continent et marque la limite avec la mer d’Iroise.
Nous sommes à l’étale de la basse mer et dans de bonnes conditions pour passer dans ce passage réputé dangereux. Le passage est très large entre la pointe du Raz et l’ile de Sein qui paraît être posée à fleur d’eau. Avec une bonne carte ou encore avec un GPS, la navigation est aisée. Mais par mauvais temps et grosse marée, le passage pourrait être dangereux pour un bâtiment de la taille du notre.
De petites unités à moteur sont aussi venues ici pour pêcher dans cette eau poissonneuse réputée pour les bars de ligne et ne semblent pas gênées par le balancement incessant de leur embarcation.
Le courant se fait sentir encore longtemps. Il s’agit maintenant de trouver un abri pour la nuit. Les distances sont longues. 20 milles pour atteindre Douarnanez notre objectif initial et 18 milles pour atteindre Morgat. A 19h, nous décidons de poser l’ancre dans le mouillage forain du cap de la Chèvre avec une mer qui continue à balancer notre bateau. L’endroit est sauvage et magnifique. Des roches striées surplombent des grottes. Une petite plage de sable nous invite à descendre à terre. Nous préférons rester à bord pour cette première étape à l’ancre. Après un apéro dans le cockpit pour fêter le passage du raz de Sein, nous dînons à l’intérieur bercés par la houle.
Mercredi 7 août
Le lendemain à 8h, je lève l’ancre pour retourner au raz du Sein et entamer la route du retour. Martine qui n’avait pas encore pris son petit déjeuner laisse le contenu de son bol s’échapper dans un mouvement de la mer et en est quitte d’un nettoyage compliqué pendant que le bateau avance au près
A 11h, le vent venant de face et ralentissant, je mets le moteur pour faire les 2 derniers milles et arriver assez rapidement près de l’étale qui était à 10h30. Arrivé dans l’entonnoir du raz du Sein, nous relançons le génois et coupons le moteur. Le courant accélère notre marche. Le GPS affiche des valeurs inhabituelles, 8 nœuds, 9 nœuds. Je voudrais qu’il franchisse les 10 nœuds. Nous optimisons les réglages. Je peux photographier l’écran du Gps avec plus de 10 nœuds. Je vois même une pointe à 11.4 nœuds.
Puis une grande ligne droite nous attend pour rejoindre la pointe de Penmarc’h que nous confions à notre brave pilote automatique. Le vent baisse et le moteur est mis à contribution pour pouvoir arriver à Lesconil à une heure correcte. A coté de nous, des bateaux qui avançaient à la même vitesse, semblent accélérer leur marche. Vérification faite, c’est notre bateau qui perd du terrain. Des algues ont probablement trouvé amusant de s’enrouler autour de notre quille. Je fais des manœuvres de marche arrière et la vitesse reprend une valeur normale. Mais, je dois répéter la manœuvre encore plusieurs fois. J’espère que l’hélice du moteur n’est pas encombrée.
Des bourdonnements se font entendre. Puis des points apparaissent à l’horizon, des points qui grossissent et qui se révèlent être des bateaux de pêche avec leur lourd chalut à l’arrière qui rapportent leurs lots de poissons du large. Ils passent près de nous à bonne vitesse suivi par des nuées de goélands qui essaient de se nourrir des restes jetés par dessus bord.
Devant Le Guilvinec, des familles de dauphins nous font des démonstrations d’amabilité autour du bateau et en passant sous la coque.
A 19h, nous rentrons dans le port de Lesconil avec des bruits d’accordéons venant d’un équipage. C’est un petit port que nous ne connaissions pas encore et qui nous présente des ressources séduisantes comme cette cantine de la mer vers laquelle nous nous dirigeons naturellement.
Coté météo, nous avons maintenant un problème. Un coup de vent est annoncé pour vendredi avec des vagues de 5 m. Nous avons la possibilité de filer à toute vitesse jeudi avant le coup de vent pour nous avancer le plus vite possible vers la Trinité ou rester sur place et attendre que le coup de vent soit passé. La nuit porte conseil et c’est cette option que nous choisissons avec une prévision de départ reporté au dimanche. A nous donc la découverte du pays Bigouden.
La tempête
La tempête annoncée est arrivée sur nous. Le vent a forci et souffle maintenant à 30 nœuds. 45 noeuds sont attendus ce soir. Les vagues les plus hautes devraient dépasser les 12 m.
Le bateau gémit, grince et est ballotté. Les drisses claquent sur le mat. Des vibrations traduisent les efforts subis par le bateau. Les attaques des éléments se font par vague. Après un surcroît d’activité, le vent semble se calmer avant de repartir de plus belle.
Dans le carré, nous sommes secoués et le bruit voudrait nous impressionner. J’ai une grande confiance dans les qualités du bateau, mais il faut rester attentif pour parer à tous les dangers qui pourraient survenir. Il faut s’attendre à tout, et être près à apporter les bonnes solutions rapidement.
Pour la première fois cette nuit, j’ai fermé complètement la porte pour nous protéger à l’intérieur. A plusieurs reprises, je suis sorti pour vérifier que tout allait bien et ai resserré des cordages qui s’étaient détendus.
Je me suis enfoncé dans la lecture de l’Alabatros de Doborah Scaling Kiley, une histoire de naufrage au large des côtes américaines avec une survie très difficile de l’équipage dans un canot pneumatique, l’annexe de survie s’étant envolée à son ouverture. Cette tempête crée l’ambiance pour s’y sentir plongé sans gros effort d’imagination.
Au programme d’aujourd’hui le spectacle des vagues et la visite de l’ancien chantier de Lesconil. Demain c’est la Fête de la langoustine.
Port de Lesconil
Les goélands réveillent le port avec leurs cris perçants et sans fin. Qui appellent-ils en fait ? Le vent se fait encore sentir après une nuit agitée avec un bateau qui couinait sur ses pare battages.
La journée sera festive avec la fête qui se déroulera derrière notre cockpit. Des joutes nautiques se disputeront avec pour objectif : donner du plaisir aux spectateurs.
Le dimanche à 8 h, Gourlano a sorti son museau du port. La houle s’est calmée et le vent prévu est idéal, Sud-Ouest force 3 à 4. Nous montons la grand-voile et le génois pour faire route d’abord jusqu’au Nord des Glénan où nous essayons de retrouver les paysages quand nous avons suivi un stage de voile.
Puis le spi remplace le génois et accélère la vitesse de 1 nœud. Nous passons au sud de Groix et avec le génois retrouvé et quelques empannages, nous passons la Teignouse et arrivons à La Trinité à 19 h avec 60 milles au compteur dans la journée.
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